Coparentalité et gratitude
« Je ne vais quand même pas lui dire merci d'avoir fait
ce qui était normal et nécessaire ! » Et oui, lors de ma conférence
sur le burn-out parental en Aveyron, la seule chose qui a un peu coincé il me
semble, c'est quand j'ai parlé du partage des tâches et de la charge mentale,
donc de coparentalité.
Il y avait une vingtaine de participants à cette conférence, dont un seul homme. Et bien sûr, comme c'est le cas dans l'ensemble de la société, dans ce groupe-là aussi ce sont les femmes qui assurent la grande majorité des tâches domestiques et des soins aux enfants. J'insiste sur le fait que ça progresse et que les hommes s'engagent de plus en plus… à condition que les femmes leur laissent la place et les encouragent à le faire. C'est une histoire de territoire à partager ! Je me souviens de ma grand-mère qui engueulait un peu mon grand-père quand il venait dans la cuisine, parce qu'il n'avait rien à y faire et qu'il la dérangeait dans son espace. On est héritier de ces croyances sur les rôles de genre.
Aujourd'hui les femmes râlent que les hommes ne participent pas assez, et elles ont raison, et en même temps elles ont du mal à leur faire confiance et leur reconnaître les compétences nécessaires : « je le fais mieux que lui ou plus vite, je perds moins d'énergie à le faire moi-même qu'à lui expliquer comment faire et ensuite à refaire parce que c'est pas nickel… » oui, à court terme ça marche. Mais à long terme, vous voyez les dégâts ? De même que les femmes ont eu du mal à se faire confiance et affirmer leur compétence dans les territoires professionnels et extérieurs à la maison, de même aujourd'hui les hommes doivent gagner ce fameux sentiment de compétence (qui n'est pas un sentiment, plutôt une pensée qui donne un sentiment de confiance) dans les espaces intérieurs et intimes. Si nous les femmes, nous gardons d'une part un haut niveau d'exigence (voire parfois, du perfectionnisme) et d'autre part l'idée que c'est bien normal qu'ils le fassent, « on ne va pas s'abaisser à les remercier en plus… », alors vous imaginez que c'est compliqué pour les hommes de se considérer comme compétents et légitimes.
En Communication nonviolente on parle de gratitude.
Juste reconnaître la beauté de la vie, la chance qu'on a de vivre avec quelqu'un
de bien (pas parfait, mais quelqu'un de bien !), et l'exprimer.
S'il a cuisiné un bon gratin, juste dire « il est bon ton gratin », s'il a bien réagi quand le petit est tombé de vélo, juste dire « heureusement que tu as dit ou fait ceci ou cela, ça m'a rassurée », et ainsi des mots simples qui apportent de la reconnaissance. Car le besoin de reconnaissance est essentiel chez tous les humains, et que cette reconnaissance est un fort levier de motivation.
En Discipline positive, on cherche des solutions, pas des
coupables.
Ainsi quand notre conjoint oublie de rapporter du pain quand il va faire les courses, ou se défile au moment de débarrasser le lave-vaisselle, au lieu de lui tomber dessus ou de prendre sur soi en générant de la frustration, on peut exprimer « la situation ne me convient pas, j'aimerais qu'on trouve une solution pour que ça marche mieux : moi je te propose ça, qu'est-ce que tu en penses ? et toi qu'est-ce que tu proposes ? ». J'écris ça en deux lignes alors qu'il faudrait un ou deux jours de formation sur la recherche de solutions, car c'est beaucoup plus subtil et complexe que la question « qu'est-ce que tu proposes ? ». C'est d'abord un état d'esprit : s'ouvrir à la différence du monde de l'autre. Se sentir absolument légitime et reconnaître à égalité la légitimité des hommes. Accueillir l'autre sur notre territoire. Cultiver la joie et la gratitude.